Je m’étais promis de ne plus acheter de livres neufs, car 1) ils prennent de la place et mon appartement a un nombre limité d’étagères 2) je les prête aux amis qui ne me les rendent jamais (sauf Callie, seule exception, du coup j’ai plaisir à toujours lui en prêter d’autres). Le point 2 permet finalement de remédier au problème du point 1. Mais ce n’est justement pas le point de cet article. J’ai cassé la promesse que je m’étais faite à moi-même, pour une bonne raison :
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Mercredi dernier, j’écoutais, en route pour un rendez-vous, le podcast Call your girlfriend, une conversation entre deux amies sur des sujets variés, mostly de l’actualité (leur ligne éditoriale est vague, elles parlent de ce qui les touchent). Bref, dans cet épisode, elles présentaient des livres d’histoires par deux historiennes, qui se sont penchées sur des figures historiques dont la mythologie est bien établie, et qu’elles tentent de revisiter. Ca donne 2 nouvelles biographies sur des personnages américains centraux (Harriet Tubman and Lincoln) et une histoire sur la chaîne de fast food Mac Donald’s, qui a l’air pas mal du tout.
C’est la première interview qui m’a le plus passionnée : Aminatoo Sow interviewe Erica Armstrong Dunbar, l’autrice d’une nouvelle biographie sur Harriet Tubman : She Came to Slay, the life and times of Harriet Tubman. Erica est prof d’histoire, et publie des bouquins sur ses recherches, qui tournent autour de figures féminines noires de l’esclavage et de l’émancipation.
L’interview était tellement intéressante que je me suis dit : I need this book. J’avais envie de le lire. J’ai d’abord cherché sur mon app de livres audio de bibliothèques, mais il n’était pas dispo. J’étais près d’une de mes librairies préférées, et ils avaient le livre… J’ai cédé pour l’acheter – sous le prétexte de soutenir l’autrice (mais clairement, c’était pour mon propre plaisir de lecture et de soif de savoir, rien que ça).
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Le livre est joli, assez curieux à première vue car on dirait un livre pour enfant avec son format carré, c’est écrit assez gros, il y a quelques illustrations, et le titre fait plus « pop culture » que livre d’histoire sérieux. Mais ce n’est qu’en apparence car il est bel et bien sérieux, fouillé, réfléchi et qui donne à réfléchir.
J’ai dévoré ce livre en 2 jours à peine, quelques heures de lecture par-ci par-là.
Je connaissais déjà l’histoire d’Harriet Tubman dans les grandes lignes – j’avais eu l’occasion de faire quelques recherches sur elle car elle est évoquée dans le tour guidé que j’organise à Boston dans le South End.
Née esclave en 1822 dans le Maryland, elle a réussi à s’enfuir en 1849, puis retournera à de nombreuses reprises, au péril de sa vie, dans le Sud des Etats-Unis pour sauver d’autres esclaves – devenant ce qu’on a appelé une Conductrice du Underground Railroad, le chemin de fer clandestin littéralement, un système de passeurs pour aider les esclaves en fuite à remonter vers le Nord. Malgré cet exploit, elle ne s’est pas arrêtée là : elle a été infirmière puis espionne pendant la Guerre de Sécession. Le tout en faisant pendant toute sa vie des conférences et des rencontres pour parler de son histoire, afin de militer pour l’abolition de l’esclavage. Son visage devrait être représentée sur les billets de 20$ (décision prise en 2016 mais repoussée depuis). Bref, c’est sa biographie en raccourci, et ça envoie déjà du lourd.
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Le livre commence par l’arrivée de la grand-mère d’Harriet Tubman aux Etats-Unis à la fin du 18è siècle, venue d’Afrique de l’ouest. Comment elle a survécu à l’esclavage, comment ensuite sa fille, la mère d’Harriet a survécu à son tour. Ce que j’ai bien aimé, c’est que l’autrice explicite ce que « survivre » veut dire pour ces personnes déracinées et forcées en esclavage. C’est hyper didactique et clair, et d’autant plus percutant.
Alors oui, je savais qu’Harriet Tubman avait eu une vie mouvementée et héroïque, c’est le moins qu’on puisse dire, mais les rebondissements incessants dans sa vie m’ont vite fait me dire : mais elle ne s’arrête vraiment jamais ! C’est une véritable force de la nature, et le livre en rend compte d’une manière très factuelle. C’est presque trop fou pour être vrai – et pourtant ça l’est. En plus de tout ce qu’elle a fait – aider des centaines de personnes à sortir du joug de l’esclavage, en risquant à chaque fois sa vie, servir dans l’armée de l’Union – comme infirmière puis espionne, elle s’est aussi battue pour être payée, elle a milité pour ses droits et les droits de ses pairs à chaque étape de sa vie :
Après la guerre de Sécession, elle a tenu tête à un contrôleur de train qui voulait la faire changer de voiture sous prétexte qu’elle était noire. Et puis surtout, alors qu’elle était déjà âgée, elle n’a pas arrêté son militantisme et s’est engagée pour le droit des femmes, et notamment des femmes noires à voter. Pfiou, à 70 ans, on peut dire qu’elle a TOUJOURS continué son engagement militant. Le titre du livre : She came to slay est parfait. Slay, c’est tout déchirer, tout casser (d’autres des titres de chapitres rappellent, entre autres, certaines titres des chansons de Beyoncé).
Bref, j’ai beaucoup aimé ce livre par la puissance de la personne d’Harriet Tubman, et la subtilité combinée à la précision de l’écriture d’Erica Armstrong Dunbar. Ca va plus loin aussi que la simple histoire de la vie de Tubman, il y a toute une réflexion sous-jacente sur l’histoire des Etats-Unis, la place des Noirs dans cette histoire, le racisme, etc. Beaucoup des faits passés ont encore des résonances actuelles.
Le livre ressemble à un livre pour enfants, et bien il se lit presque comme tel, la narration est super fluide, et quand des détails de l’histoire sont inconnues par manque de sources, l’autrice le dit tout simplement.
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- Je n’ai pas vu le film Harriet sorti en 2019, les critiques ne sont pas top malgré la présence de l’actrice Cynthia Erivo (le trailer est ici)
- Dernier petit mot, février est le mois de l’histoire noire aux Etats-Unis (Black History Month), si vous voulez en savoir plus, je vous recommande le compte percutant de Rachel Cargle, elle vous donnera du boulot, rien n’est pré-mâché !
Bonne semaine, et surtout bonne lecture ! Si vous lisez le livre, dites-le moi en commentaires ci-dessous !
15 réflexions au sujet de “A lire absolument : une biographie d’Harriet Tubman”
Je ne connaissais pas du tout cette femme, et je suis heureuse d’en avoir une toute petite idée maintenant, grâce à toi. En effet, un livre à lire. Merci pour la référence !
Je ne connaissais pas non plus avant de vivre aux Etats-Unis !
J’ai décidé de me mettre à lire des livres en anglais (je commence par Harry Potter, on y va doucement), alors ta recommandation tombe pic! Lecture « facile « +sujet passionnant= combo parfait pour me motiver!
Harry Potter, c’est parfait pour commencer à lire en anglais – c’est ce que j’avais fait aussi à l’époque !
Hello Mathilde ! Grâce à toi, je m’étais intéressée au livre écrit par Michelle Obama, que j’ai trouvé remarquable soit dit en passant et celui sur Harriet Tubman me plairait bien. C’est vraiment une icône forte de l’histoire des US et honnêtement, je n’ai jamais été déçue par les livres qui me plaisait sur ton blog donc si j’ai l’occasion de le lire, ce sera avec plaisir que j’te ferais un petit retour :). Par ailleurs, continue ton blog, cela fait des années que je le lis et c’est pas près de s’arrêter ! A bientôt.
Hello Gaëlle, merci pour ton message, j’espère que cette recommandation te plaira également alors !
Merci Mathilde pour ton article. Maintenant j’ai envie d’acheter le livre! J’ai acheté pour mes élèves : Harriet Tubman (Little People Big Dreams). Il est court mais parfait pour les enfants.
J’ai découvert la vie d’ Harriet Tubman en vivant ici aux Etats Unis. Je regrette de ne pas avoir entendu parler d’elle quand j’habitais en France.
Une amie prof d’anglais de passage à Boston avait aussi fait le plein de ces courtes biographies pour ses élèves de collège !
Salut Mathilde,
J’adore toujours autant tes reco! Ça m’arrive d’avoir des craquages littéraires, j’achète souvent des livres. Dernièrement, je lis le lambeau de Philippe lançon. Une pépite.
Bon vendredi!
Hello Jessica, je ne suis pas la seule donc à accumuler les livres 😛
j’attends une hypothétique version française, passionnant cet article
Merci pour cette idée, je le note sur ma liste.
Merci pour cette revue ! Ça donne envie !
Bonjour et merci pour ce très bel article.
C’est très bien raconté.
J’oserais une remarque, l’usage de l’anglais en italique n’est pas nécessaire : mostly, i bref this book, etc.
Cordialement.
Le code typo est mon ami, je garde l’italique pour les mots anglais, thanks