Je suis dans le train, je vais dans le Nord. J’en profite pour souffler un peu – ce qui veut donc dire trier des photos et écrire pour le blog, somnoler et lire un magazine, et puis écouter pour la 134è fois ma playlist Michael Jackson suivie de celle Road trip Inspiration. Je suis en France depuis bientôt une semaine. Pour qualifier ces premiers jours « retour au pays » deux mots suffisent :
- overwhelmant, du verbe franglais overwhelmer, être débordé, dépassé, englouti sous les retrouvailles, les retour au bercail, les repas, les au revoirs, les visites, les pieds qui chauffent dans les sandalettes
- gourmand, car (1) c’est le propre de toutes les vacances, mais (2) pire encore en France. Je me sens fat (à lire non pas de la façon Molière mais façon anglais)
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Mais ne vous y trompez pas, c’est bien la parenthèse française. Ça remet les choses en perspective et ça recrée du lien. Avant de partir, je me demandais si je me reconnecterais facilement aux gens, si ça collerait toujours aussi bien, si on aurait des choses à se dire qui nous intéresse tous.
J’ai revu plein de monde, j’ai passé de bons moments, j’ai vu les nouveaux bébés. J’ai vu un film français au milieu de l’après-midi aussi (ils ont dit « j’étouffe » à un moment donné, preuve ultime de la francité du film – le dernier Desplechin), j’ai vu une expo dans mon musée préféré (Beaubourg), j’ai marché dans Paris de nuit, bu des coups en terrasse. J’ai mangé un éclair au chocolat, des chouquettes, un marron glacé. J’ai failli faire la queue chez Berthillon pour une glace au chocolat (the best) mais il y avait trop de monde. J’ai acheté du parfum, je suis allée chez Princesse Tam Tam, j’ai hésité longuement devant des fringues que je ne mettrais sans doute jamais à Boston (trop chic). Je dis « Bonjour » et « merci » à tout va, je franglise aussi. J’ai fait du yoga avec ma prof chérie.
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Ça faisait 18 mois que je n’étais pas rentrée, on avait envie avec Manu de faire une surprise à sa famille. Fin avril, quand Tatie Anne nous a demandé s’il fallait nous réserver deux places aux tables du mariage de Paul et Céline, on a dit… oui ! Les billets achetés, on a choisi de garder le secret. On a débarqué dans le petit village au bord de la mer, peu après 21 heures (2 avions, un RER, un train, un trajet en voiture, en 24 heures). Tada, c’est nous ! Une partie de la famille était réunie autour de la table en train de manger (lasagnes végétariennes et poulet au citron). Les réactions étaient diverses :
- joie (avec la larmichette à l’œil, ces gens-là sont mes préférés pour toujours),
- incompréhension (mais, comment t’as fait pour arriver jusqu’ici ? – ici étant un bled paumé de la Vendée),
- indifférence blasée (on pensait que vous veniez de toute façon),
- inquiétude (Vous venez après à la maison ? Mais j’ai rien dans mon frigo !),
- égocentrisme (merci d’être rentré pour mon anniversaire/la fête des pères/parce que on sait qu’on vous manque trop).
Nous on était contents, et overwhelmés.
On a célébré le mariage, c’était joyeux, émouvant, simple et enthousiasmant. On n’était même pas ceux qui venaient de plus loin, puisqu’il y avait les cousins de Tahiti.
JB et les chichis
S’habituer au soleil pour lutter contre le décalage horaire
Oui, elles sont là, les chouquettes tant aimées
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Et puis on est parti en mini-tour de France. C’est bien en ce moment, parce qu’il fait beau partout, chaud sans l’humidité tropicale de Boston, il y a des fleurs partout et des arbres bien verts et touffus.
Bien sûr, tout semble familier – les petites routes, les panneaux, la façon de manger, d’aller chercher du pain le matin. On ne peut pas s’empêcher de noter toutes les différences, les trucs qu’on avait un peu oublié. Les us et coutumes en terroir français.
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Je suis épatée par le train. Ça va vite, et il y en a souvent. On entend certains se plaindre de la fois où il était en retard, mais quand on vit au pays où la voiture est reine, et où prendre le train relève du luxe (faut l’argent… et surtout le temps) eh bien c’est génial d’avoir le choix de prendre tel ou tel Paris-Nantes parmi les 5 dispos un vendredi soir. Et dans le train, il y a la clim, mais à un niveau vivable. Les gens parlent tout doucement.
Sur les routes, on croise une Renault 5, des châteaux d’eau dans les champs, des ballots de paille ; la boulangère dit « et avec ceci » à la fin de la commande. Tous les gens disent bonjour et au revoir quand on entre et sort quelque part, mais vraiment beaucoup, à voix haute, t’es obligée de répondre (aux Etats-Unis, il n’y a pas vraiment de bonjour/au revoir dans les boutiques). Overwhelmant.
On nous appelle les Américains, alors qu’à Boston on est les Français « ça va l’Amérique !? »
Les cousins, les copains ont des bébés. Beaucoup de bébés.
Je feuillète un « Femina » chez Dadée, je ne sais pas qui est en couverture (un comique ou un chanteur), j’achète des Barquette, ça s’appelle des Lulu maintenant. Ils ont fermé la maison de la presse sur la place de Villeneuve-sur-Lot, ce qui chagrine Manu.
Les gens ont des sacs à dos Quechua, (Quechua a le monopole du sac à dos par ici !), les mecs portent des foulards noués autour du cou, personne ne met de tongs.
Dans l’Agenais
On dirait une image de livre de géographie : la campagne française
Les petites rues de Penne
La mousse au chocolat de Dadée
Les poussins et poules trop mimi
Parlons du coût de la vie. De façon générale, rien ne semble bien cher (à part les cours de yoga à 22 euros, non mais what the what !) On n’est pas devenus les rois du pétrole aux Etats-Unis, mais la vie est ridiculously chère de l’autre côté de l’Atlantique, dans une ville comme Boston ; alors acheter 6 œufs fermiers, une tranche de pâté, une andouille et des petits saucisson pour 6 euros – et pas les 25 dollars qu’on avait imaginé (les œufs coûtant déjà au moins 6$ à Boston), c’est le bonheur.
Les gens font la bise. Même sans qu’on ne se connaisse vraiment « tiens je te présente Machin » – je voudrais serrer la main, mais non, smack, smack, la bise des deux côtés. J’ai envie de huguer les gens pas vus depuis longtemps – soit tout le monde.
Les pruniers
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J’achète ma junk food à la française : des Marrons Suis, des biscuits Lu, des mini-saucissons secs, des pommes noisettes, des petits suisses (les 6 Montebourg à 7$ chez Whole Foods sont un lointain souvenir). Chez ma copine Julie, on mange le matin des céréales Extra, celles avec des pépites de chocolat – un délice. Je prends un café gourmand dans un resto italien – panna cotta et tiramisu – un régal suprême.
A Paris
A Paris, un midi, je mange seule en terrasse – c’est pas cher mais dégueu – une tarte épinard chèvre sans intérêt – mes voisines fument, elles bossent dans la production (on dit « la prod »), n’arrêtent pas de parler de Julie Gayet. Ah oui, c’est la copine du président. J’essaie de me rappeler qui est le premier ministre. J’ai acheté le Télérama pour savoir quelle expo ne pas rater. J’écoute mes voisines. Elle se racontent des potins, trouvent que c’est super le beau temps à Paris, et les gens qui s’agglutinent en terrasse (elle a vraiment dit s’agglutine). Je n’étais plus habituée à une telle densité de tables collées les unes aux autres.
Près du canal de l’Ourcq, une micro-brasserie vient d’ouvrir, en vrai ils disent « micro-brewery » pour faire américain je suppose. C’est bien situé, et la bière est bonne
A Paris, ça pue la pisse à tous les coins de rue.
Dans le métro, un mec est super énervé contre tout le monde ; sur son téléphone, il joue à Candy Crush. Je ne regarde pas, je ne veux pas re-rentrer dans cette addiction fatale.
Traverser l’île Saint Louis fait du bien.
Aller dans une librairie, c’est génial, mais il y a des livres de coloriage pour adultes. Weird. J’achète des bouquins pour mes neveux et nièces, la vendeuse est géniale, elle a plein d’idées et les livres pour enfants sont plus inventifs que jamais.
Je souris aux inconnus, une habitude prise à Boston. Mais je me dis que ça se fait pas trop par ici.
Les mecs sont plus minces que moi ; la plupart des gens sont bien sapés, mais tout est assez uniforme. Ça cause bouquins, ciné et politique aux terrasses des cafés.
Je demande ce qui est « à la mode ». Christine and The Queens. Le Petit Journal. Je raconte ma passion pour Ru Paul’s Drag Race et le camping dans la forêt « Le Vermont, c’est top ». Je conseille à des copains de regarder John Oliver de Last Week Tonight pour de l’infotainment de qualité.
On me donne rendez-vous pour un dîner, c’est tard, 21 heures. Il y a encore plein de monde dans le resto quand j’arrive. Ça me change des dîners à 17h30. Je rentre à pied, j’adore marcher de nuit, on dirait que la Seine est fluo, les gens pique-niquent encore sur les quais.
En rentrant d’un autre dîner, on prend un Uber (les taxis faits par des particuliers – un truc super commun aux USA, mais apparemment polémique à Paris), tout le monde s’obstine à prononcer ça « Hubert » j’ai l’impression qu’ils parlent d’un pote un peu chic et sympa qui ramène tout le monde chez eux dans tout Paris.
Je croise des Américains perdus à Odéon : je leur file un coup de main. « yeah, I know, those tiny narrow streets are overwhelming ! »
☞ Il y a quelques articles sur la France sur le blog : sur la jolie ville de Bourges, l’abbaye de Fontfroide en pays cathare, un road trip côte Ouest française, les premières retrouvailles avec Paris et les détails oubliés…
25 réflexions au sujet de “Les vacances en France”
Superbe article ! J’adore ta façon d’écrire. Le retour dans le pays natal après un long séjour à l’étranger doit être assez bouleversant. En tout cas, tu as très bien exprimé tes sentiments, avec humour et franchise. Bravo.
Coucou Mathilde! Où que tu sois dans le monde tes photos font rêver! Tes articles me font aussi souvent rire (« Hubert » ! –> en Suisse aussi ça fait énormément de polémique, surtout à Lausanne). En Suisse aussi on ne se rend pas compte de la chance qu’on a de pouvoir prendre le train (toujours à l’heure!) pour traverser le pays en moins de 4heures dans des wagons tout beaux tout propres 🙂
J’ai horreur de faire la bise (en Suisse Romande c’est 3 en plus) à des gens que je ne connais pas, je préfère la version Suisse-allemande –> se serrer la pince, même entre femmes.
Allez, des bisous!
mag
Sympa de lire tous vos commentaires de mon oeil de québécoise qui connaît un peu de la France, un peu des USA … Très divertissant !
Très sympa le contraste campagne française versus Paris Paris. Tu as le chic pour apporter un clin d’œil très authentique. Bravo !
Moi, pareil, les valises se remplissent et départ la semaine prochaine pour la France. Au programme campagne mais plus du côté vignoble champenois (donc avec beaucoup moins de poussins) et Paris, que j’adore arpenter, humer et observer.
Cette année, je mise sur les secrets de Paris : ses jardins planqués, les œuvres d’art publiques méconnues, les passages, les galeries et les rues surprenantes. I am so excited et en même temps, une fois sur place, je suis sûre que je vais me sentir comme une étrangère (comme l’an passé) : pas réellement chez moi aux US (car la différence culturelle est quand même longue à masquer et vivre dans une small town, c’est assez particulier) et plus réellement chez moi en France non plus. On verra !
En tout cas, sûr que de revoir famille et amis va faire le plus grand bien.
Hello Mathilde,
Chouette ton article comparatif. Je suis en vacances dans l’ouest américain et justement ça nous a fait bizarre de payer 12,50$ à whole food pour 4 pommes 4 poires et 2 abricots !
Bon séjour à Lille
La première et dernière fois que je suis rentrée, j’étais à bout de nerfs. C’était la course, on devait voir trop de monde en trop peu de temps avec l’impression en même temps que personne n’avait vraiment le temps. Bref, expérience à recommencer normalement bientot pour l’arrivée de notre deuxième fille 🙂
Super article avec une nouvelle fois de très belles photos qui me font regretter de ne pas rentrer cette année. Overwhelming est bien le mot qui convient : on s’extasie sur les endroits où on avait l’habitude d’aller étant petit, on peste contre les Français, on est content de retrouver tous les amis et la famille et triste de se dire que ce n’est en fin de compte plus chez nous, pour enfin apprécier le retour « à la maison ».
Youhou c’est moi dans une semaine ca !!! 🙂 Des bisous à vous 2 !
C’est amusant de lire le point de vue de quelqu’un qui a pris de la distance!
Les pruniers? le village où s’est installé Thich Nhat Hanh?
Très jolie série d’images en tout cas!
Non, ce sont juste des pruniers dans le Lot et Garonne, pas le nom d’un lieu-dit 🙂
Merci pour ton petit mot,
J’adore cet article! C’est chouette de voir ce que peuvent ressentir les expats quand ils rentrent en France, et tes photos sont très belles!
Oh j’aime beaucoup cette article. J’aime ta façon d’aborder les choses, j’aime tes mots et surtout, j’aime tes photos !
Saint Gilles n’est pas un petit coin paumé de la vendee!
Je pense me reconnaître dans la 1 ère catégorie de personne !
Tu ne pouvais pas ne pas parler de tes pommes noisette a 0,78 ct !
C’était trop cool de vous avoir avec nous !
Bisous !
Ah ah ! Pardon, Saint Gilles, centre touristique, culturel, intellectuel, ensoleillé, magique de Vendée 😉 ça va mieux comme ça ?
Je me demande pourquoi il n’y a pas de vol direct direct Boston-St Gilles !
Bisous MC
Quel bel article tu nous proposes là !!! Et quelles jolies photos aussi…
Article super agréable à lire, et mince…. ça donne envie de rentrer en France pour les vacances !!
Trop sympa! Bisettes moites d’ici…
Bien joli témoignage Mathilde!
J’ai beau être rentrée depuis plusieurs mois, je me sens toujours canadienne/américaine… J’adore le Petit Journal mais j’aime aussi regarder sur internet The Tonight Show et The Daily Show 🙂 (d’ailleurs, je crois que Yann Barthés s’en inspire beaucoup et c’est tant mieux)
Sinon je dis « dépanneur » et j’utilise aussi des mots anglais.
Je suis une espèce de mutan tu crois?
Pour un prochain tour de de France, pensez à Reims, on y boit du bon champagne 😉
Bonnes vacances!
Oui ! tu es une mutante ! 🙂
Alors par contre, je ne suis PAS du tout fan du Petit Journal, je trouve que ça sonne faux, c’est pas super drôle et le présentateur ne sait pas faire d’interview face à des gens « impressionnants ».
Merci pour ton petit mot Jasmin,
Article très sympa. Merci.
C’est dingue, je vis exactement la même chose que toi en ce moment : en plein tour de Gaule. Je trouve que tout le monde fume, que la nourriture n’est pas chère et ça fait trop plaisir d’aller dans un vrai marché. Je ne connais pas non plus les stars en couverture des magasines ;). Émouvant de revoir famille amies (enceintes !) mais par contre, même après 6 ans, c’est toujours aussi dur de quitter tout ce petit monde …enfin pour l’instant j’en quitte pour en revoir d’autres, le grand départ est encore loin … Profitez bien de votre séjour !
Merci pour ton petit mot !
C’est clair que les stars du moment me semblent… inconnues.
Bon séjour à toi aussi,
Le train, c’est génial. Le fromage a vraiment plus de goût que celui de Whole Foods (on oublie! Mais le lait cru, ça change tout quand même!) Et c’est tellement cheap, en effet!
Tout semble familier et un peu étranger en même temps… A Paris, les librairies partout et les cinés indépendants jouant des films du monde entier (oui, même les iraniens), c’est le bonheur. On se sent malgré tout un peu décalé et différent quand on revient. Et on remarque de petites choses; oui, Paris sent la pisse! As-tu fait du vélo? On est étouffé par l’odeur de gazole (complètement oubliée car absente aux US)! Mais il y a aussi le parfum des fleurs, superbe, et tout un tas de petits délices.
Welcome back et belles émotions à vous!
Merci pour ton petit mot !
C’est clair qu’il y a ce côté familier et étranger à la fois ! Pas de vélo, mais oui, c’est tellement pollué, mes cheveux sentent bizarres en fin de journée… C’est un bon moment de l’année pour rentrer en tout cas, fleuri, chaud, les gens ne sont pas tous partis en vacances.
Bises,