Samedi 26 août. Il est 20h20, je suis assise dans la tente, au fond du canyon de l’Enfer. C’est le canyon le plus profond d’Amérique du Nord, même si c’est assez difficile de s’en rendre compte vu d’en bas. J’ai laissé mon côté de la tente ouvert, la moustiquaire bien zippée par contre, face à la rivière, et en levant les yeux, je ne vois rien du tout : l’eau est noire et épaisse, et j’entends au loin des bruits d’éclaboussures.
Je préfère ne pas m’expliquer ce que ça pourrait bien être (dans ma tête : le monstre du Loch Ness ; aucun rapport, mais why not). Il y a plein de bruits de tous les côtés : les grillons stridulent à fond, et le vent chaud agite les arbres. Il y a une famille de daims dans les parages, et plus tôt dans l’après-midi, on a croisé un ours ; j’espère bien qu’il est suffisamment timide pour ne pas s’approcher de notre camp. Manu est dehors, face au feu qui crépite. J’adore ce moment, ce samedi soir spécial au milieu de la nature, dans l’Oregon.
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En route vers le canyon de l’Enfer
La journée a commencé dans le motel de la petite ville de John Day, où on a posé nos valises après avoir passé du temps dans les Collines Peintes. On est arrivé tard la veille, et complètement crevés, on s’est fait des Mac’n cheese au micro-ondes en regardant Sleeeping with the enemy, probablement le pire navet du monde avec Julia Roberts. Je regarde quand même jusqu’au bout, fascinée.
La route sera longue aujourd’hui. Souvent, pendant ces longues heures de voiture, on écoute des audio-livres ou des podcasts, ou bien encore on discute de ce qui fait le plaisir du road trip : l’isolement, les paysages qui défilent et se renouvellent, l’inconnu qui nous attend et nous surprend. C’est cliché mais on a eu cette conversation des dizaines de fois : le plaisir du voyage en terres américaines.
Notre but de la journée est d’arriver au Canyon de l’Enfer, Hells Canyon. Voici à quoi ressemble les différentes étapes de notre road trip dans l’Oregon depuis qu’on est parti, 5 jours plus tôt :
Ce matin, c’est moi qui conduis. Moyenne de conduite : lente
Confession : après avoir conduit à peine 2 heures (mon maximum), je me suis installée côté passager et j’ai dormi, laissant Manu conduire tout seul, ce qui n’est normalement pas toléré dans le code éthique du co-pilote ; quand je me réveille, on est déjà à proximité du canyon. C’est une immense zone sauvage, qui n’a pas le statut de parc national mais celui « d’aire récréative ». On y trouve, en plus du canyon, des montagnes appelées « Les Sept diables » (The Seven Devils), des rivières, quelques granges, et pas grand monde. C’est assez dur de trouver des infos sur ce parc, on s’est dépêché d’arriver à la station de ranger pour discuter avec quelqu’un sur ce qu’on pouvait y faire.
L’entrée du canyon
Au fond du canyon, il n’y a qu’une route pavée qui longe la rivière, la Snake River, qui sert de frontière entre l’Oregon et l’Idaho. La route pavée se trouve côté Idaho, et de l’autre côté de la rivière, côté Oregon, il y a seulement une route de graviers ; des bateaux traversent la rivière pour rejoindre plus facilement l’autre rive. Le centre des rangers est situé tout au bout du canyon : c’est probablement l’une des stations les moins pratiques à atteindre et qui fermait ce jour-là à 15h ! Le genre d’endroit où quand on y arrive, on se dit « on mérite ».
La seule et unique route. On n’a pas croisé grand monde.
What !? On a l’habitude de croiser des animaux sur la route lors de road trips dans des coins isolés, mais voir un ours tranquillement en train de traverser, c’était une première. Il nous a semblé tout petit, et le ranger nous a dit que les ours dans la région étaient de petite taille, et malgré ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas des bébés. Il avait le poil luisant.
Avant de rejoindre notre camping sauvage, on s’arrête dans un vrai camping avec tables pour notre dîner 4 étoiles lyophilisé, puis on installe la tente dans un campement isolé, quelques kilomètres plus loin, avec vue premium sur la rivière, feu de bois et terrasse privée. Le tout pour 0$. Au début, j’étais contente d’avoir un emplacement dans ce camping sauvage, Area 4 Bar, avec personne autour, puis un voisin s’est installé, un grand mec venu pêcher, avec son chien (voisin qui était tout de même à plus de 100 mètres de notre tente). Au départ je me suis dit : oh non, moi qui voulais être seule, mais en fait ça m’a rassurée qu’il y ait quelqu’un pas trop loin de nous et qui avait l’air de s’y connaître (pure supposition), dans cet espace sauvage reculé et peuplé d’animaux sauvages.
Jour 2 dans le canyon de l’Enfer
J’étais surprise d’apprendre que Hells Canyon soit le canyon le plus profond des Etats-Unis, car je pensais que c’était le Black Canyon dans le Colorado – qui ne fait en fait que 1km de profondeur, mais c’est très impressionnant car il est très étroit. Le Hells Canyon fait 2,4 km de profondeur, tandis que le Grand Canyon n’atteint que 1,8 km de profondeur. Donc buya, Hells Canyon bat le record.
Pour s’en rendre compte par nous-mêmes, on monte, en voiture, sur les points les plus hauts, histoire d’observer tout ça. La veille, on était tout au fond, on a donc 2,4 km à monter, en voiture. On ne s’est pas risquer à randonner. La route a été longue, et supra-scénique.
Le canyon le plus profond des Etats-Unis, really ?
Mini-route scénique au bord de la rivière Imnaha
A Imnaha, minuscule village avec une poste, un resto et une épicerie dans son jus (= qui fait vraiment Amérique profonde), on nous prévient que la route fait peur pendant quelques miles, mais qu’il ne faut pas se décourager, que ça en vaut la peine. C’est bien qu’on nous ait prévenu, car en effet, la route flirtait avec le vide. Dans ce cas, ma technique est toujours : ne pas penser aux conséquences, faire confiance à Manu. Et s’accrocher à la porte, au cas où.
La route qui sillonne
Cette photo ne représente pas le Canyon de l’Enfer mais son voisin ! On monte en haut de ce canyon pour arriver sur une crête…
Notre aire de pique-nique ce jour-là, dominée par les montagnes des 7 Diables, au loin : « Vous comprendrez pourquoi on les appelle comme ça quand vous les verrez » nous a prévenu le ranger. C’est vrai qu’elles ont l’air menaçant.
Il nous est arrivé un truc curieux pendant ce pique-nique. En montant, on a croisé un couple en moto, pas tout jeune, arrêté sur le côté, on leur a demandé s’ils avaient besoin d’aide : Nope. On les recroise tout en haut, ils nous avaient doublé pendant la montée. Je les vois s’approcher de nous, alors qu’on préparait notre pique-nique. Le papy nous dit qu’il a besoin de témoins. On ne comprend pas bien ce qu’il veut dire, puis il sort un mouchoir et s’agenouille devant son amie, qu’il demande en mariage « devant deux parfaits inconnus, au sommet de ce beau canyon, car je suis comme ça : imprévisible ! » La femme, émue, me regarde, comme pour être sûre que ça arrive vraiment. Manu leur propose de partager la salade à l’avocat, à défaut d’avoir des petits fours et du champagne. La nana explique que son amoureux est le shérif du comté « le Roi des lieux ». Puis ils repartent. On mange notre salade, en se demandant ce qui vient de se passer.
Décor de petites fleurs sauvages d’été
Les sommets au fond sont les montagnes des Seven Devils
Tout en haut, une tour pour surveiller les incendies
Un peu partout dans l’Oregon on a croisé des noms de lieux assez dramatiques, comme la forêt du Malheur, le canyon de l’Enfer, etc. Un ranger nous expliquait que c’était une façon d’attirer les gens, une sorte de marketing du tourisme avant l’heure, les noms ayant souvent été donné à la fin du 19è siècle. Et ça marche ! On se demande à quoi ressemble ce canyon au nom si terrible et on fait des kilomètres pour y arriver !
Fin de journée à Joseph
Après cette longue journée de route, on cherche un camping près de Joseph, une jolie petite ville à la fois d’artistes et de cowboys. C’est la seule ville à proximité du canyon, dont le nom vient d’un chef Indien de la tribu des Nez Perce (à prononcer naiz pirce). Il y a plein de légendes indiennes dans la région.
Notre lodge ce soir-là : la Wallowa Lake Lodge
Avant de partir, le lendemain, on fait un petit tour dans le village. Depuis qu’on a quitté River Hood, on n’a pas vu beaucoup de traces de villes, et dans les jours à venir, ça va s’aggraver : on arrivera dans les zones les moins peuplées de l’Oregon. Joseph est une ville-rue, avec quelques commerces et restaurants. Tout est très « carré » mais la rue est agrémentée de statues en bronze, pour la plupart de grande taille et représentant des images d’Epinal du Far West. C’est cute !
Road trip : C’est reparti !
Après deux jours dans le canyon, on reprend la route. Hells Canyon est un endroit sauvage qui aurait mérité qu’on s’y attarde un peu plus longtemps. Là encore, comme pour chacune des étapes de road trip, on aurait pu rester plusieurs jours, on a choisi le passage plutôt que l’exhaustivité.
A ce moment-là, on en est au milieu du road trip, et j’adore cette sensation d’être loin de tout. La prochaine étape est de descendre un peu plus au sud, dans le désert d’Alvord et autour des Steen Mountains, une zone, là encore, peu fréquentée de l’Oregon. J’ai hâte d’y arriver, mais j’ai aussi envie que cette journée de route ne s’arrête jamais.
Superbe grange face aux montagnes
☞ On a trouvé peu de ressources en ligne pour se repérer dans ce canyon, alors pour cette étape, on a surtout compté sur les recommandations du ranger rencontré au fin fond du Hells Canyon. Si vous utilisez le blog pour votre propre voyage, n’oubliez pas d’en faire mention sur votre blog, ou de revenir laisser un petit mot par ici !
☞ Etes-vous déjà allé dans cette partie reculée de l’Oregon ?
29 réflexions au sujet de “(Oregon) Hells Canyon, très loin au fond du canyon de l’Enfer”
Bonjour,
Je suis en train de préparer notre road Trip avec mon mari et mes enfants pour un départ de 2 mois l’année prochaine et ton blog est une vraie mine d’or 🥰. Merci beaucoup.
Je voulais savoir la route de hells canyon est faisable en camping car ?
Merci d’avance de ton retour.
Helene
Bonjour Mathilde
Comme je l’avais déja écrit, notre voyage en Orégon a été un régal grâce, en grande partie à tes « tuyaux » et en partie au « big car » que nous avaient prêté nos enfants. C’est quand même un plaisir, pas au gout du jour je sais, d’avoir de la cavalerie sous le pied !
Nos enfants qui résidaient à Poirtland sont repartis vivre dans leur pays d’adoption : l’Australie. Résultat, en avril, nous allons leur rendre visite à Melbourne.
Je prévois, pendant ce mois de vacances, 8 jours en Tasmanie. Histoire de rencontrer le diable, après avoir admiré son canyon ! As-tu visité ce pays ? Connais-tu quelqu’un qui tienne un blog le concernant ?
Tout renseignement sera le bien venu.
A propos, j’avais écrit ici un billet racontant notre dépannage en Orégon par une fée. Je ne vois pas. Censure ? C’était pourtant bien correct sous tous rapports !
Merci pour votre message et les compliments Yves-Marie.
Je ne suis jamais allée en Australie non, il y a bien longtemps, j’avais interviewé ce couple, je ne sais pas si leur blog fonctionne encore : https://www.maathiildee.com/vivre-a-canberra-en-australie-le-blog-des-chercheurs-doz/
Les commentaires sur mon blog sont modérés oui – si votre post est beaucoup trop long ou hors sujet par exemple, il n’est pas posté.
Bonsoir Mathilde
Nous venons de passer un mois, du 4/9 au 4/10 en Oregon. Nous ne sommes pas encore totalement revenus.
Nous fêtions nos 50 ans de mariage !
Nos enfants, qui vivent à Portland, nous avaient prêté un confortable Pick-up Toyota. Parfait pour les road trips !
Avant de partir, j’avais lu et relu tes article de blog et j’en ai fait notre miel. Merci.
J’essaierai d’écrire et de décrire ici quelques endroits où nos sommes passés et où nous avons dormi. Nous avions pris l’option « Air b&b » Nous avons parfois été un peu surpris, mais jamais déçus.
Petite anecdote, je suis « aged » et dur de la feuille. Mon Anglais est assez sommaire. Pour mettre mes interlocuteurs à l’aise, je me présente : « I am french, old and def ! ». Ca provoque généralement un éclat de rire, et tout va bien !
Hello Yves-Marie, trop drôle votre façon de vous présenter, j’adore ! et ça a l’air efficace.
J’attends les nouvelles recommandations alors.
Ah et dernière petite question … peux-tu me donner le nom de ce camping sauvage mentionné dans cet article ?
Je te remercie !
C’est écrit dans l’article : Area 4 Bar
Salut Mathilde,
Je pars 18 jours en Oregon fin août-début septembre avec mon ami. Je connaissais déjà ton blog, mais quel plaisir d’être retombée dessus en tapant » road trip oregon blog » sur Google haha (et en Français !)
C’est notre premier road-trip aux USA. Hyper novices donc ! Nous avons réservé 3 nuits à l’arrivée à Portland et dernière nuit également.
Durant le road-trip, j’ai seulement réservé un Airbnb à Joseph. Après, ce sera camping ! J’ai donc une question concernant la réservation des campings : je suis très embêtée à l’idée de réserver à l’avance, car je n’ai pas envie de me prendre la tête à me dire » ok ce jour-là on doit être là « . Car j’ai prévu beaucoup beaucoup de lieux, et je sais que je ne pourrai pas tout faire.
Tu penses que c’est faisable de ne pas réserver à l’avance en Oregon ? Ou à la rigueur, réserver la veille ? … je sais d’ailleurs qu’il y en a pas mal qui marchent selon le » premier arrivé, premier servi « . C’est donc mieux de venir le matin même afin de s’assurer d’avoir une places, et ainsi profiter après ?
Enfin, pour trouver les campings, t’es-tu servie de tes guides ou plutôt internet quand tu le pouvais ?
Désolée pour ce super long message haha. Merci d’avance en tout cas et je te remercie encore pour tous ces posts qui me servent et me serviront beaucoup durant le voyage !
Hello Meggan !
Comme tu as pu le lire, nous n’avions rien réservé à l’avance à part l’arrivée et le départ de Portland. On trouve les campings en utilisant une bonne vieille carte routière qui indique les campings, il n’y a jamais de réseau dans les coins paumés et donc on oublie internet. Et en général on arrive tard en fin d’après-midi pour profiter de la journée.
Ce n’est pas quelque chose que je ferais pour un premier trip, qui plus est en Oregon, car il y a peu de parcs nationaux bien organisés, mais vous pouvez le tenter…
Enfin, je le demande en général aux lecteurs, si vous utilisez le blog pour construire votre voyage, pensez à le mentionner à l’occasion sur les réseaux sociaux, ça fait plaisir 😉 Mon Instagram @mathildepit
Bises et amusez-vous bien,
C’est plutôt beau comme enfer lol !
Et la demande en mariage euh… wtf ? 😀 je me serais posé des questions aussi !!
Hello superbe photo, on recherche aussi ce genre de coin un peu isole,r mais nous avons un motorhome de 12 m de long, est-ce que tu sais si il y a des camping accessible pour ce genre de véhicule et comment sont les routes, même si c’est pas forcément tout près nous avons une moto
Continue de nous faire rêver Bravo
Je te comprends parfaitement pour l’histoire du « voisin » qui rassure (remarque, ça aurait aussi pu être un psychopathe d’Esprits Criminels… haha) (désolée)
En tous cas, j’aime toujours beaucoup tes articles, mais celui là, c’est peut être bien mon préféré ! Les paysages, les photos, les anecdotes, je le trouve génial !
oui ça aurait trop pu être un psychopathe !! j’essaie de ne pas trop penser dans ces cas-là… merci pour ton message en tout cas !
quel spectacle
se retrouver face à ces canyons c est juste incroyable
dame nature vous offre de magnifiques images
tu px dire que tu as été d une demande en mariage faite par un shérif cool
oui ! spectacle fou !
Et en effet, une nouvelle histoire de road trip à raconter avec cette demande de mariage originale
« le plaisir du voyage en terres américaines ». Thank you for this very generous compliment on the American landscape.
As usual, the pictures are absolutely fabulous. Your blog is my « go to » travel in America blog by anyone (American, Expatriate, etc_). You also consistently meet the most interesting people- grandpa on motorcycle popping the wedding proposal. That’s a memory that will stick. 🙂
ToddV
Thanks Todd for your message. But come on, I think it’s well deserved, everything we saw was amazing – landscape-wise (I know, I still have to tour Michigan !)
The grandpa proposal was cute 🙂
C’est quand même beau de ouf… Pas seulement le Hells Canyon mais aussi ce que vous voyez sur la route… Les maisons so Ameeericaa comme dans les films, les vues incroyables et les animaux qui font leur petite vie tranquille.
Et puis la scène de la demande en mariage agrémentée de salade d’avocats m’a tuée X’) Un bel et incongru instant qui a fait naître une belle anecdote 🙂
C’est une région très peu peuplée, on se demande toujours qui on va croiser. En tout cas, c’est sûr ça fait super « américain » 😀
Magnifique ce canyon ! xx
Merci Miss Ophélie !
Chouette cette demande en mariage ! Une belle anecdote de voyage ! 😉 Très joli coin en tout cas et l’ours qui traverse la route…Wahou !
oui !! l’ours <3 on en a rarement croisé, c’était la surprise totale !
Su-blime !! On en prend plein la vue, même à travers ces photos et ce récit !
Super l’anecdote de la demande en mariage, c’est chou !!
Merci Hélène ! c’était un endroit qui nous a vraiment beaucoup plu
Wahou, les photos sont magnifiques, ça donne vraiment envie ! et ça change des itinéraires plus « classiques » des roadtrips du sud. Des idées à garder dans un coin de ma tête pour de futures vacances 🙂
Eh oui, comme on a déjà pas mal road trippé, il faut chercher de nouveaux itinéraires !
Sympa la demande en mariage 🙂
oui assez fou !