J’arrive bientôt à la fin de mon récit détaillé, étape par étape, du voyage à Terre Neuve. Après les quelques jours au parc national du Gros Morne, on reste dans la partie ouest de l’île et on monte vers le Nord, le long du Viking Trail, la route des Vikings. Ces panneaux ponctuent la route régulièrement :
A cet endroit de l’île, on est en face des côtes du Labrador, qu’on voit par moments – le temps est dégagé pendant notre trajet. J’aime bien imaginer qu’on soit si proche de cette vaste contrée sauvage qui semble si difficile d’accès. Il y a un ferry qui relie l’île de Terre Neuve au reste du continent, à Blanc Sablon, situé dans la province de Québec, à deux pas du Labrador. On ne peut pour autant pas se rendre à Blanc Sablon en voiture depuis Montréal ou la ville de Québec : c’est inaccessible, tout simplement car il n’y a pas de route. Ceux qui viennent en voiture depuis le Québec ou d’ailleurs – on croise des plaques d’immatriculation d’autres provinces – sont en fait arrivés par le Sud de l’île : un ferry qui relie la Nova Scotia à Terre Neuve. C’est un sacré périple comme on en trouve tant en Amérique du Nord, j’ai l’impression qu’on triche quand on arrive en avion comme ce qu’on a fait.
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En allant à Terre Neuve, je n’avais pas trop d’idées de ce qu’on allait trouver, le voyage s’est décidé rapidement. Mais dans les premières recherches de préparation, on retrouvait la mention des Vikings. Il y a un côté aussi bien complotiste qu’enfantin à parler de Vikings – en gros j’imagine soit la couverture d’un magazine qui veut faire histoire mais pas trop (« La Vérité Vraie Enfin Dévoilée sur les Vikings ») ou un livre d’histoire pour enfants sur la vie de ce peuple (que j’aurais adoré à l’époque).
Bref, peu importe ce que ça m’évoque : les Vikings sont venus jusqu’à Terre Neuve, et c’est un big deal.
Etape 4, tout là haut
L’Anse-aux-Meadows
On arrive vendredi vers midi, le temps est gris et il bruine. C’est venteux, comme partout depuis qu’on est arrivé à Terre Neuve. On entre dans le centre d’accueil de ce parc national canadien pour payer notre billet, et on nous prévient qu’il y a une visite guidée qui démarre dans 10 minutes.
L’Anse-aux-Meadows est un drôle de nom qui mélange le français et l’anglais (meadows, ce sont les prairies). L’une des explications possible pour cette appellation mixte, c’est que c’est en fait la déformation d’un nom qui était entièrement français au départ : l’anse-aux-méduses, qui par l’usage s’est transformé en l’anse-aux-meadows.
C’est en fait un couple de chercheurs spécialisés dans les Vikings, les Instad, qui ont retracé la route des Vikings en suivant des récits relatés par des experts sur le sujet, ainsi que des sagas attribués aux Vikings.
En arrivant à l’Anse-aux-Meadows en 1960, ils interrogent les locaux : y-a-t-il des buttes dans les environs ? On les emmène sur un site qui était surnommé à l’époque « l’ancien camp indien ». Mais ce site n’étais pas lié aux peuples natifs : il s’agissait d’un ancien camp viking du XIè siècle.
Ce qu’on voit à Terre Neuve, ce sont à la fois des sites archéologiques (des buttes et des tranchées qui demandent un certain effort d’imagination – le guide est là pour tout expliquer) et la reconstitution d’un campement – les maisons qu’on voit en photo en haut de l’article et ci-dessous). Il y a aussi un musée pour comprendre ce qui s’est passé, avec dioramas, cartes, film – la totale.
Petite précision, plutôt que Vikings, pour être plus scientifique, on parle de Norsemen, en anglais, soit les Normands – les hommes du Nord.
Les Vikings, menés par Leif Erikson, ne sont pas restés très longtemps par ici : on pense qu’ils étaient venus chercher du bois qui leur faisait défaut au Groenland où une partie d’entre eux s’étaient établis. Sur place, ils ont fait de la ferronnerie, et ils réparaient des bateaux. Ils se sont aussi battus avec les locaux.
La reconstitution de quelques maisons au toit en mousse et en herbe est super intéressante : à l’intérieur, il fait sombre et chaud, et des guides-interprètes en costume parlent de leur vie de Norsemen. Tout le monde s’assied autour d’eux pour les écouter.
Enfin, ce site a été classé au Patrimoine mondial de l’Humanité en 1978 : la présence de Vikings sur le sol américain est une étape majeure dans les flux de migrations humaines autour du globe. C’est par ailleurs le seul site en Amérique du Nord où la présence des Vikings a été prouvée.
Leif Erikson et Manu
Maison de hobbit
Notre guide
Habitation super bien isolée du froid
Deux des guides-interprètes :
Infos pratiques :
- il n’est possible de visiter l’Anse-aux-Meadows que pendant la saison touristique à Terre Neuve, soit de la fin mai à début octobre. C’est fermé le reste de l’année.
- Nous n’y sommes pas allés, mais autour de l’Anse-aux-Meadows on trouve d’autres attractions historiques et culturelles liées à la présence des Vikings mais qui ne sont pas gérées par les parcs nationaux canadiens : le village viking de Norstead notamment.
- La visite guidée en anglais ou en français est inclus dans le billet d’entrée du parc
- Toutes les infos sur les horaires et les tarifs sur le site officiel de ce parc national canadien
St Lunaire Griquet
La visite de l’Anse-Aux-Meadows a duré quelques heures, on logeait ensuite dans un petit village voisin, St Lunaire Griquet – ne vous méprenez pas, malgré les noms qui sonnent français, la plupart des gens parlent anglais ici. Notre chambre pour la nuit a vue sur la mer, c’est une constante dans ce voyage – la bienvenue. J’adore !
En sortant de l’Anse-aux-Meadows, on a pris le temps de se faire un resto, trouvé dans le guide : The Norseman Restaurant. A l’intérieur, on dirait la salle à manger d’une famille simple et artsy, il y a plein de tableaux accrochés aux murs – on retrouve l’artiste qui m’a tant plu à Gros Morne. Le menu du midi est tout simple, et la cuisine est délicieuse – tant qu’on aime le poisson : soupe de poisson, taco aux poissons, etc. On se régale, et on leur demande si on peut revenir ce soir – il n’y a pas grand chose dans les environs : mais aujourd’hui, ils ne servent plus après 19h ! Or on sort de table vers 14h30… Alors tant pis, on ne reviendra pas.
On va se promener ! Le temps, mélancolique à souhait, ne nous a pas arrêté. Il y avait quelques balades recommandées dans les environs, assez courtes pour la plupart, et toutes spectaculaires : une fois sortis de la forêt, en altitude on voit la côte découpée et les îles au loin – dont une où on doit dormir le lendemain, Quirpon Island. A nouveau, on a raté les icebergs, mentionnés sur quelques panneaux, mais fin août, ils ont déjà tous fondus ou ont continué leur route.
Les sentiers sont à peine indiqués sur le bord de la route, les indications sont sommaires dans la fiche que nous a laissée notre hôte ; on croise un coureur qui nous indique où passer. Certains endroits ont l’air abandonné, c’est aussi super boueux.
Mais la vue… quelle vue à chaque fois !
Vue depuis notre maison pour une nuit, à St Lunaire
Sur les hauteurs de St Lunaire
Sur la route des Vikings
Pour aller et rentrer de l’Anse-aux-Meadows, on a pris « la route des Vikings », la route 430. C’est simple, il n’y en a qu’une, qui monte et qui descend.
On s’habitue rapidement à ne croiser pas grand chose : il n’y a pas beaucoup d’habitations, les rares villages traversés sont tout petits. Sur la carte, la terre ressemble à du gruyère : il y a des trous partout – des mares, des tourbières.
Parfois, il y a des curiosités naturelles où s’arrêter. C’est souvent indiqué par un panneau qui passerait presque inaperçu.
A l’aller, en sortant du parc du Gros Morne, on est donc aller voir par exemple cette double arche au bord de l’océan : The Arches Provincial Park. A marée basse, on pouvait marcher en-dessous.
L’un des arrêts les plus sympa a été dans le petit village de Port-aux-Choix – on a d’ailleurs dormi pas très loin de là, la veille d’arriver à l’Anse-aux-Meadows, notre hôte nous a dit que ça se prononçait Portsoy.
Le tour du village est vite fait, et aux heures dorées de fin de journée, les couleurs sur le port sont sublimes. Avant ça, on est allé au phare, au bout d’une avancée rocheuse dénudée. Surprise, au pied du phare, un troupeau de caribous fait la sieste. Caribous, phare, océan : triple combo de trucs trop beaux. Apparemment, le caribou est assez bête, mais en tout cas, il a l’air très doux. On nous a dit par la suite qu’il y avait toujours des caribous à cet endroit… pas toujours le même troupeau, mais ils sont postés là, ils connaissent ce spot.
Un autre animal du même acabit (= pas le genre d’animal que je croisais en grandissant) qu’on a croisé : l’orignal. On nous a mis en garde constamment contre cet animal sur la route. Il est gigantesque, introduit sur l’île en 1904. Au départ ils étaient 4, et maintenant, ils sont 120 000 et mangent tout. On a croisé notre orignal le matin du départ, en allant vers l’aéroport. Il a surgi de nulle part et a traversé devant notre voiture, sans s’arrêter. On l’avait lu partout : Brake for moose, freiner pour l’orignal, et c’est ce qu’on a fait. Je comprends mieux maintenant les innombrables accidents dont on nous a parlé, l’animal est énorme et imprévisible. Heureusement qu’on l’a croisé en pleine journée. Je l’ai pris en photo, mais juste son cucu, caché à moitié dans les fourrés. Je l’aurais bien mise dans l’article en disant « orignal » mais ça aurait sonné faux.
Caribous au pied du phare de Port-aux-Choix
La belle lumière dorée sur le port de Port-aux-Choix
D’autres beaux arrêts et points de vue le long de la route 430, comme les fleurs thrombolites ci-dessous :
Et voilà ! Si vous voulez relire l’intégralité du voyage, c’est par ici dans le récap de ce road trip de 10 jours à Terre Neuve en août 2019. Il me reste une seule étape, et pas des moindres, à vous narrer : la nuit sur l’île de Quirpon, au pied d’un phare.
2 réflexions au sujet de “(Terre Neuve, Canada) Sur la route des Vikings”
Bonjour Mathilde, je rattrape mon retard et lis enfin cet article. J’irai volontiers voir les Vikings à Terre-Neuve ! C’est une de mes grandes passions depuis l’été passé : j’ai été en Ecosse et notamment dans les Orcades où ils ont passé pas mal de temps. Depuis, j’ai lu Viking Britain qui est assez passionnant, dans le genre histoire scientifique mais démocratisée, et qui démonte plus ou moins les clichés sur les Vikings (qui effectivement ne s’appelaient pas Vikings à leur grande époque). Bref, ton article et les photos intriguent et donnent envie de visiter ces sites !
Merci !
Hello Mathilde
La probabilité que je voyage un jour à terre-neuve est faible, mais ce n’est pas grave : j’adore lire tes billets de voyage, comme un bon roman au coin du feu.
Je n’aurais pas imaginé Terre-Neuve ainsi, c’est très beau, et ça a l’air très tranquille. une belle découverte !
J’adore la dénomination « Port-aux-choix » : ça fait un peu nom de lieu dans Harry Potter, non ?