En dépit de ce nom festif, Shakers, il ne sera ni question de cocktail ni de danse suggestive dans cet article, mais de religion. Je me souviens d’un cours en khâgne intitulé « Les religions aux Etats-Unis » : la fiche récapitulative listait un ensemble interminable de religions ou sectes, créées pour la plupart au 19è siècle. Je me demandais comment on avait créé des religions si tard, au 19è siècle ; naïvement, pensai-je alors, on devait avoir déjà fait le tour de la question. La religion des Shakers n’a pas été inventée aux Etats-Unis, mais à Manchester, en Angleterre, mais les Shakers n’ont vécu librement leur religion qu’une fois sur le sol américain. Aujourd’hui, il reste 3 shakers. Non pas 3 communautés, mais 3 personnes, 3 Shakers. Dans les Berkshires, un ancien village Shaker se visite. Je n’attendais pas grand chose de cette visite, et finalement, ça a été une bonne surprise.
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Quelques semaines auparavant, je visitais un autre village de Nouvelle Angleterre, Old Sturbridge, qui reconstituait la vie locale comme en 1830, Mon cerveau est confus, j’ai l’impression que c’est un endroit similaire qu’on visite ce matin-là. Mais ce village Shaker n’est pas une reconstitution idyllique : il a bien été le lieu de vie d’une communauté, jusqu’en 1959, quand le village a fermé.
Qui sont les Shakers ? A ne pas confondre avec les Quakers, ou les Amish, les Shakers sont des chrétiens, protestants, qui manifestent leur foi en chantant et dansant, d’où le surnom qui leur a été donné : Shakers (les remueurs en quelque sorte). Le mouvement a été fondé par une femme, Ann Lee, surnommée Mother Ann, à Manchester en 1747. Fuyant les persécutions contre son groupe, Mother Lee part pour l’Amérique en 1774 avec 8 fidèles. Huit, seulement. Elle espère vivre librement selon les préceptes de son Eglise qui attend le retour de Jesus. Les Shakers prônent la vie en communauté, et partagent (en silence) leur repas, ils vivent simplement – et ça se voit dans l’architecture, mais ne refusent pas le progrès, contrairement à certaines communautés comme les Amish. Ils sont ingénieux et recherchent des solutions pour mieux faire. L’exemple de la grange ronde illustre leur savoir-faire, ils ont cherché à optimiser un endroit où ranger le foin, nourrir les bêtes, recycler les déchets, sans que ça ne puisse brûler ; en plus d’être beau et original, ce bâtiment est astucieux et bien fichu :
Les Shakers vivent donc en communauté, ils sont pour l’égalité des sexes, ils se lèvent tôt le matin (très tôt, 4h30 l’été) et travaillent beaucoup, tout le temps, les loisirs sont limités à un peu de lecture (de la Bible) ; la condition pour faire partie de la communauté est de confesser publiquement tous ses pêchés, et de faire vœu de célibat. Pas simple de rester une communauté vivante dans ce cas, mais les Shakers adoptent des enfants et autorisent les personnes vivant dans les environs à assister à leurs services (quand ils chantent et dansent et manifestent leur joie) : c’est leur façon de recruter et de maintenir la communauté. Ça n’a marché qu’un temps… Au milieu du 19è siècle, il y avait près de 5000 Shakers – ils s’appellent les Believers, répartis dans 19 communautés sur la côte Est. Aujourd’hui, ils sont juste 3 personnes dans le Maine, près de Sabbath Lake – on voit d’ailleurs une vidéo à l’entrée présentant leur mode de vie.
Une chambre pour 3 personnes, avec des meubles faits par la communauté
La communauté Shaker a beau être presque éteinte aujourd’hui, elle a véhiculé des valeurs utopiques de vie communautaire et d’égalité… Et on peut toujours acheter des meubles façon Shakers : robustes et simples.
Le tabac est interdit… et on porte des vêtements pas folichons
A cette période de l’année (j’y étais début juin), il y a plein d’animaux dans la ferme, qui courent en liberté, les petits agneaux sont trop mignons, les dindes ont une drôle de face et sont énormissimes ! On peut commander son panier des produits de la ferme, type AMAP (ici on appelle ça CSA, pour community supported agriculture), que le village essaie de produire à la manière des Shakers.
Dans la cuisine
❤ La visite m’a plu car c’est un mélange de visite libre, on peut entrer dans tous les bâtiments, qui sont pour la plupart meublés, ou alors il y a des petites expos, et il y a également des visites guidées qui permettent de comprendre comment se passait la vie des Shakers : leur vie de tous les jours, mais aussi les services religieux, leur travail à la ferme ou celui des artisans – ferronnier, menuisier, etc. C’est bien animé, avec un certain goût de la mise en scène. En tout cas, ça vaut tout à fait une demi-journée de visite. N’oubliez pas de goûter à la glace SoCo avant de partir, dans le petit bouiboui à l’entrée, un vrai régal…
Visiter le village Shaker
- Toutes les infos sur les horaires, tarifs, et un peu plus sur l’histoire des Shakers sur leur site : http://hancockshakervillage.org/
- Le village Shaker se trouve à Pittsfield, à l’ouest du Massachusetts, à près de 3h de route de Boston, et 3h30 de route de New York, au coeur de la très belle région des Berkshires
- Sur le blog, retrouvez aussi la visite d’une autre étrange communauté (clairement, celle-ci est une secte), cette fois en Floride : les Koreshan, à l’histoire encore plus farfelue
- Pour plus d’infos sur la région de Boston, que faire pendant l’été, trouver des idées de circuit, consultez mon superbe ebook, Boston le nez en l’air, pour 16,90$ seulement pour 50 fiches, 118 pages.
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3 réflexions au sujet de “Bienvenue chez les Shakers !”
Bonjour,
Merci pour l’article. Je.cherchais de la documentation sur ce mouvement suite à la lecture de Moby Dick de Herman Melville. Dans le roman, le narrateur croise un membre des shakers qui participe à la campagne de pèche. C’est un illuminé prénommé Gabriel.
Cordialement
JFP
Bonjour, très intéressant ton article, j’avais entendu parler des Quakers mais ignorais l’existence des Shakers…Quel âge ont les 3 Shakers qui restent ? Les as tu rencontrés ?
C’est dommage que cette communauté et tout son savoir faire disparaisse…peut être ont ils écrit des ouvrages ou fait des films pour en garder la trace ?
J’apprécie beaucoup ton blog 🙂
Salut Mathilde!
Je suis nouveau sur ton blog, j’ai une question (si, si, pour de vrai…^^) : lors de ta visite est-ce que les shakers ont cherchés à te « convertir/intégrer » à eux?? (Vu qu’ils ne sont plus que 3, toutes les occasion sont bonnes à prendre…)