Je suis en train de travailler sur un essai sur l’enfant unique, ou plutôt sur les parents d’enfant unique. J’ai partagé un questionnaire via Instagram, et vous avez été une centaine à me répondre. Comme je ne sais pas encore quelle forme finale prendra cet essai ni quand je le sortirai, mais que j’ai tellement apprécié l’ouverture et la vulnérabilité des personnes qui ont participé, je voulais vous partager une étape de mes recherches, toujours en cours.
Les résultats partagés ci-dessous ne sont le reflet que des réponses que j’ai reçues, je les trouve déjà très variées et intéressantes, mais peut-être connaissez-vous quelqu’un dans votre entourage, ou vous-même, qui avez d’autres choses à partager sur ce sujet.
Si jamais vous êtes parent d’un enfant unique, qu’il ait 2 mois, 2 ans ou 20 ans, vous pouvez encore participer en répondant au questionnaire, dont voici le lien. Si vous pouvez aussi transmettre cet article et ce questionnaire à un maximum de personnes, ça m’aiderait beaucoup !
Je vous tiendrai au courant de l’avancée de ce projet ici sur mon blog, et sur mon compte Instagram @mathildepit Merci d’avance à toutes les personnes qui se sont livrées, c’est très précieux !
Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je m’appelle Mathilde, je vis à Boston sur la côte Est des Etats-Unis depuis janvier 2012. Dans la vie, j’ai été éditrice, prof de yoga, guide touristique, traductrice et j’ai écrit des guides de voyage partout aux Etats-Unis, des livres sur le yoga et la méditation, sur la cuisine et la nutrition. Je tiens une newsletter hebdomadaire un podcast, What’s Next sur les trajectoires de vie non linéaires.
J’ai une petite fille de 2 ans 1/2, qui, vraisemblablement, sera fille unique, et je m’interroge sur ce cheminement d’avoir un enfant unique dans la société actuelle.
Etre enfant unique, ce n’est pas une tare, et à vrai dire, ce n’est pas très spécial (la majorité des familles en France sont des familles avec un seul enfant). Et pourtant, ce choix peut faire question pour de multiples raisons, ce n’est d’ailleurs pas toujours un choix, comme vous le lirez ci-dessous.
Question 1 : Qui êtes-vous ?
Vous avez été 106 personnes à répondre à ce questionnaire : 103 femmes et 3 hommes.
Vous êtes majoritairement dans la trentaine (63%), puis dans la quarantaine (28%), 6% à être dans la vingtaine et 5% à avoir plus de 51 ans.
Vous êtes 86% dont la famille d’origine est composée de plusieurs enfants. Pour le reste, vous étiez enfant unique.
67% de réponses m’ont dit avoir des enfants de moins de 5 ans.
21% des personnes qui ont répondu ont des enfants de plus de 11 ans, ce qui m’intéresse aussi beaucoup, car vous avez sans doute un peu plus de recul sur la question
Question 2 : Un choix définitif d’avoir un seul enfant ?
- Pour la grande majorité des personnes ayant répondu à l’enquête, c’est décidé, elles n’auront pas de deuxième enfant.
- Plus d’un quart sont encore indécises
- Pour 10%, elles souhaitent un autre enfant
- Et pour le reste… c’est compliqué et ce n’est d’ailleurs pas vraiment un choix
Question 3 : Etes-vous d’accord avec votre partenaire ?
- Un peu plus de 70% des personnes interrogées sont d’accord avec leur partenaire.
- Pour 16% d’entre vous, il y a un désaccord avec le partenaire sur le nombre d’enfants souhaité
- Et pour les 14% restants, c’est compliqué : soit c’est en cours de négociation, soit vous êtes solo, divorcé ou séparé.
Question 4 : Votre histoire
Les histoires que vous m’avez transmises sont très variées, et pour beaucoup d’entre vous, le choix (ou pas) d’avoir un enfant unique est un sujet sensible et complexe. Même si c’est courant, ce n’est pas le modèle de la famille telle qu’elle est le plus représentée.
- Il y a des histoires de difficultés à tomber enceinte ou à mener une grossesse à terme, il y a des histoires de grossesse à risque qui ne donnent pas envie de recommencer, de post partum compliqués, des histoires d’âge trop avancés, de problèmes de santé du côté du partenaire ou pour soi. Les raisons financières sont également revenues plusieurs fois.
- Du côté positif, il y a le sentiment de se sentir au complet avec un seul enfant, l’envie de faire beaucoup de choses dans ce contexte de famille à 3, d’avoir envie d’une relation exclusive avec son enfant, de centrer sa vie d’adulte sur d’autres projets de vie que d’être « juste » parent, de préserver sa santé mentale et son temps à soi. La privation de sommeil des premières années a aussi été évoquée plusieurs fois – après tout, les parents d’enfant de moins de 5 ans sont majoritaires à avoir répondu à ce questionnaire et, j’en sais quelque chose, l’impact du manque de sommeil est un vrai problème.
Comme je vis à l’étranger, je parle à beaucoup de personnes qui sont elles aussi expat, et l’absence de relai sur place (de la famille étendue notamment) a aussi été une raison évoquée pour limiter sa famille à un seul enfant.
Enfin, pour quelques unes d’entre vous, c’est une évidence : un seul enfant, c’est déjà très bien comme ça.
Question 5 : Les sentiments
La plupart des personnes qui ont répondu ont exprimé un mélange d’émotions sur le fait de n’avoir qu’un seul enfant.
Je liste ci-dessous les sentiments qui ont été évoquées, mais ils ont souvent été combinés à plusieurs émotions : rien n’est “noir ou blanc”.
Dans les émotions dites positives, on retrouve : le bonheur, la joie, le plaisir, l’équilibre, le sentiment de liberté, de sécurité, certaines m’ont dit se sentir en paix, sereines, soulagées, satisfaites, alignées et même fières de leur famille (j’ai beaucoup aimé ce dernier point !)
Dans les émotions dites négatives, il y a les regrets (c’est ce qui est revenu le plus souvent), mais aussi le malaise et le jugement ressenti par rapport au regard des autres, un sens de fatalité, de la tristesse, de la culpabilité par rapport à son enfant, le deuil à faire d’une famille avec plusieurs enfants est revenu plusieurs fois, et puis aussi les incertitudes et les hésitations ; certaines sont en colère, d’autres ressentent de la jalousie envers les familles nombreuses. Merci d’avoir eu la vulnérabilité de partager ces émotions.
Dans l’entre-deux, il y a l’indifférence : « chacun fait ce qui veut ! » mais c’était juste une personne qui m’a répondu ça ; je suis théoriquement d’accord avec ce point, chacun fait ce qu’il veut mais c’est ignorer les pressions de la société et celles qu’on se met à soi-même, ce qui n’est pas une mince affaire.
On m’a aussi dit qu’il y avait un sens de responsabilité de faire que son enfant unique soit bien entouré, lié à la peur que son enfant se sente seul.
Pour d’autres, il faut constamment se justifier “à quand le deuxième ?!” et c’est pénible… jusqu’à ce qu’on arrive à un certain âge où on nous fiche la paix.
Pour certains, c’est un choix issu d’une décision réfléchie, pour d’autres, ce n’est pas un choix mais un concours de circonstances subi.
Question 6 : Avez-vous des craintes pour vous ou votre enfant ?
Vous êtes une minorité (16%) à m’avoir dit n’avoir aucune crainte sur le fait d’avoir un enfant unique. On m’a dit (et je suis d’accord avec cette affirmation) : “être enfant unique n’est pas un problème et ce n’est pas traumatisant”.
La team de celles qui sont elles-mêmes enfants uniques et qui l’ont bien vécu n’ont pas de craintes sur le fait d’avoir un enfant unique.
Pour celles qui ont des craintes, elles sont de plusieurs ordre :
- La solitude, l’ennui
- Que leur enfant soit trop égocentrique, capricieux, un Enfant-Roi, impatient (c’est un relai de beaucoup de préjugés qu’on peut avoir sur des enfants uniques – n’oublions pas que quand on parle de petits enfants, on rencontre jamais des enfants partageurs, généreux et d’une patience infinie)
- Le fait de ne pas expérimenter le fait d’avoir des frères et soeurs, le fait que notre enfant nous reproche de ne pas avoir de frère ou de soeur, que notre enfant vive mal le fait d’être enfant unique. C’était surtout vrai des personnes qui ont aimé grandir dans une famille avec des frère et soeur.
- La peur de la mort (la sienne, et celle de son enfant) – c’est propre à toute personne et tout parent je suppose
- La charge émotionnelle de s’occuper seul.e de parents vieillissants. Le manque de soutien quand les parents vieillissent, la peur d’être forcé de s’occuper de ses parents… : c’est un point qui est revenu souvent.
- De regretter plus tard ce choix de l’enfant unique, de passer à côté de quelque chose – c’est la fameuse incertitude inhérente à la vie…
Pour celles qui hésitent encore ou qui ne sont pas sûres d’y arriver, il y a la crainte de ne pas revivre une autre expérience de maternité.
Question 7 : Votre famille d’origine
Quelques personnes ayant répondu au questionnaire sont elles-mêmes enfants uniques et ont aimé l’être, d’autres ont eu des relations compliquées avec leur frère et soeur, d’autres ont aimé être au cœur d’une famille nombreuse et auraient voulu reproduire ce schéma familial.
Je suis contente de voir qu’il y a une variété de réponses et que rien n’est ambivalent : non, avoir des frères et soeurs n’est pas toujours génial, et être enfant unique ne mène pas nécessairement à un monstre égoïste et solitaire.
Question 8 : Le mot de la fin
La dernière question était ouverte : « Souhaitez-vous ajouter quelque chose ». Ca a donné pas mal de commentaires et réflexions variées sur ce qui fait famille ; vous m’avez dit que le sujet vous touchait, que c’était un choix difficile à expliquer en société, que vous vous sentiez obligé de vous justifier : certaines d’entre vous ressentent une pression sociale de ne pas s’arrêter à un enfant.
On m’a reparlé de la question financière, des origines modestes qui parfois donnaient envie de donner plus à son enfant, en ayant moins d’enfant.
Quelques personnes m’ont parlé d’une certaine pression écologique, mais c’est loin d’être la majorité : “c’est le mode de vie et non le nombre d’enfants qui définit notre empreinte carbone”.
J’ai été touchée par celles qui m’ont dit se sentir hors de la norme, car étant donné le nombre de réponses, certes 106 personnes ça reste modeste comme échantillon, mais tout de même, vous êtes 106 personnes : j’ai envie de vous dire, vous n’êtes pas hors norme, même si la représentation de la famille Ricoré, c’est plusieurs têtes blondes (ça élimine tout de même beaucoup de familles…)
Si vous avez répondu à ce questionnaire, c’est que ce sujet vous intéresse, et vous êtes nombreuses à me l’avoir exprimé : pour certaines, ça vous a touché de vous poser ces questions, ça a remué des choses.
Sincèrement, je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écrire, j’ai lu plusieurs fois chacune des réponses et ça me donne à réfléchir.
Initialement, comme je vous l’ai dit, je pensais tout garder pour moi et ne diffuser que le résultat final, une fois l’essai écrit. Mais je me suis dit que vous étiez redevable d’un petit récap intermédiaire, c’est une première pierre dans cette réflexion.
A nouveau, si vous voulez participer, si vous voulez relayer l’info : partagez cet article, je vous remercie d’avance pour votre aide et vos témoignages très précieux !
Et je vous attends aussi en commentaires ci-dessous si vous souhaitez me recommander certains contenus et lectures (Les commentaires sont modérés, restez courtois et sensibles)
